Aujourd’hui on s’attaque à un monument de la fuzz, j’ai nommé : La Big Muff ! Elle est l’une des pédales de fuzz les plus iconiques, adoptée par de nombreux artistes notamment en rock indie, grunge, garage ou post rock par exemple. On peut citer parmi ses plus fervents défenseurs David Gilmour, Jack White, les Smashing Pumpkins, les Black Keys et tant d'autres. La Big Muff est l’autre grande famille de fuzz, par opposition à la Fuzz Face.
On va commencer par retracer l’histoire de cette pédale d’effet mythique puis on parlera des alternatives modernes à cette pédale au combien prisée des collectionneurs. Si vous voulez plutôt voir cela en vidéo, je vous invite à écouter Julien Bitoun parler et jouer sur son effet préféré qu’est la fuzz et plus particulièrement la Big Muff :
Tout d'abord, qu'est-ce que la Big Muff ?
Conçue par Mike Matthews, fondateur d’Electro Harmonix en 1969 aux États Unis. Elle se repère facilement grâce à un son très épais, plein de basses et des mediums bien creusés. Elle possède également une tenue de note ou "sustain" bien supérieure à sa concurrente la Fuzz Face. Dernière différence avec la Fuzz Face : le potard de tonalité qui offre à la Big Muff plus de polyvalence. Aujourd’hui il existe plus d’une trentaine de versions de Big Muff. De nombreuses updates et rééditions ont été réalisées par Electro Harmonix et elles ont toutes leur grain : à chaque rocker sa Big Muff !
Techniquement ce n’est pas une fuzz mais une pédale de distorsion mais dans la pratique, grâce à ses deux étages de clipping, le son est tellement saturé et compressé que l’on peut l’assimiler à une fuzz. Chez Electro Harmonix, elle se revendique fièrement comme « Distortion sustainer ».
En ce qui concerne la technologie utilisée : tout est au silicium, que ce soient les transistors ou les diodes ! Au niveau du schéma, la Big Muff dispose de quatre transistors en cascade, contre deux pour la Fuzz Face mais ne vous y trompez pas, cela ne veut pas forcément dire plus de gain. La Big Muff est un circuit cher aux DIYeurs du fait de son architecture, il suffit de changer la valeur d’un ou deux composants pour avoir une tout autre Big Muff. C’est aussi pour cette raison que malgré le nombre conséquent de versions et de rééditions de la Big Muff le circuit n’est pas foncièrement évolué (exception faite pour la Version OpAmp).
L'origine : Les États-Unis
En 1969, le premier jet de Big Muff voit le jour, alors baptisée la Muff Fuzz. La même année née la Big Muff première du nom : la Triangle, surnommée ainsi à cause de la disposition de ses potentiomètres. Cette première version de Big Muff sera produite jusqu’en 1973. Pour ce qui est du son de cette première version, c’est ce qu’on aime chez la Big Muff : des basses qui dégoulinent et des mids bien creusés. Il arrive aussi qu’entre deux Big Muff de la même version le son soit différent : c’est à cause de la tolérance des composants utilisés à l’époque. Les résistances étaient précises à 10 voire 20% ce qui explique ces différences audibles. Avec les avancées techniques, les Big Muff d’aujourd’hui ne souffrent plus de ces écarts de sonorité.
A partir de 1973, la première révision du circuit fait son apparition : la Big Muff "Ram's Head". Fini les potards en triangle, ils s'alignent sur cette version. On voit également l’apparition du logo Electro Harmonix – qui donne son nom à la Ram's Head – en bas à droite. Elle sera produite jusqu’en 1977. Cette version a été très utilisée par un certain David Gilmour, guitariste de Pink Floyd qui l'utilise notamment sur son solo de Comfortably Numb ou plus généralement tout au long de l’album The Wall. On peut également citer J Mascis, guitariste de Dinosaur Jr qui en a une utilisation bien plus extrême que Gilmour.
Vient ensuite la troisième version, certainement le design le plus connu de la Big Muff : La "Red and Black". Elle sera produite de 1977 à 1982.
En parallèle de la "Red and Black", Electro Harmonix développe une autre version de Big Muff, aidée d’une nouvelle technologie : les amplificateurs opérationnels, ce sont des petites puces qui intègre des dizaines voire centaines de transistors. Cette version sera appelée "OpAmp Big Muff" et sera produite de 1978 à 1980. Elle reprend le design de la Red and Black mais son circuit n'a absolument rien à voir avec les autres circuits de Big Muff. Elle ne fait pas l’unanimité au moment de sa sortie, peut-être justement à cause de cette différence sonore. Sa fabrication sera rapidement abandonnée. Elle sera redécouverte un peu plus tard par Billy Corgan notamment. Le guitariste des Smashing Pumpkins l'utilise dans l’album "Siamese Dream" suite auquel les prix de la version OpAmp s’envolent.
Le renouveau en URSS :
Fait marquant dans l’histoire de la Big Muff : en 1982, Electro Harmonix dépose le bilan. Mike Matthews part alors s’installer en URSS (quelle belle époque pour passer d’un bloc à l’autre !). Là-bas il lance en 1989 la compagnie SovTek (pour Soviet Technology). SovTek a notamment produit la série d’ampli MIG.
Après un engouement nouveau autour de la Big Muff dans les années 1990 notamment grâce à des groupes comme les Melvins, Dinosaur Jr ou encore MudHoney, Mike Mathews décide de la relancer. C'est alors sous la marque SovTek que né la Big Muff "Civil War" en 1992. Elle fût d'abord verte et grise de 1992 à 1993 puis bleue et grise de 1993 à 1994. Mike Matthews fait un sacré coup marketing (et pas le dernier) puisque le circuit est exactement le même entre ces deux versions. La « Civil War » fût notamment la préférée de John Fogerty, guitariste des Creedence Clearwater Revival.
A partir de 1994, on voit l’apparition de la Big Muff "Green Russian". Le circuit reste exactement le même mais elle adopte cette fois une peinture vert militaire uni. Son seul défaut était que cette nouvelle peinture était de plutôt mauvaise qualité. Elle fût la Big Muff préférée de Jack White, guitariste de White Stripes. On peut encore compter Dan Auerbach parmi ses défenseurs. Le guitariste des Black Keys l'a largement utilisé, toujours avec le potard de sustain à fond ! Cette version est très utilisée pour ses basses énormes et son son lourd. C'est donc logiquement la version que vont préférer nos amis les bassistes.
Pour remédier à ce problème de peinture (et pour refaire un coup marketing), SovTek sort la Big Muff "Black Russian". Toujours pas de changement au niveau du circuit, en revanche on opte pour une peinture noire plus solide. Pour les plus pointilleux, on passe sur un capot 6 écrous à la place de 4. La "Black Russian" est la dernière version – à part la réédition NYC – qui sera produite dans ce gros boitier très peu pratique à intégrer dans un pedalboard. Elle sera également la dernière à ne pas intégrer de true bypass et d'alimentation secteur. On assiste alors à l’apparition de la Black Russian "small box". Exactement le même circuit dans un format plus compact. Cette version de Big Muff produite jusqu'en 2009 sera d'ailleurs le dernier modèle fabriqué en Russie.
Le retour aux sources et les modèles actuels :
Pendant ce temps, Mike Matthews et Electro Harmonix reviennent sur leurs terres d'origine : New York. C'est depuis les États-Unis que sort alors toute une série de Big Muff, réédition ou revisite des modèles cultes. Il commence par sortir la Big Muff "NYC reissue" qui reprend exactement la "Red and Black", circuit et design.
On peut citer la little Big Muff (sortie en 2006) qui est une réédition de la Red and Black en version compacte. La "Bass" Big Muff (2008) qui a été faite pour les basses mais qui fonctionne très bien avec une guitare, elle se rapproche de la Green Russian. La Big Muff Tone Wicker est quant à elle sortie en 2009, elle intègre deux switches supplémentaires : un sert à "bypasser" la tone, l'autre ajoute un condensateur qui appuie encore plus sur les aigus. On a également toute une série de "Deluxe" Big Muff qui intègrent d'autres fonctionnalités telles qu'un réglage de mix ou un potard de médium par exemple. On retrouvera ensuite la Big Muff dans des formats encore plus compacts dans la série Nano dont fait partie notamment la réédition de la OpAmp Big Muff qui délaisse ses couleurs d’origine pour une nouvelle teinte orange qui rappelle les Smashing Pumpkins.
Aujourd'hui on peut trouver une multitude de Big Muff, Electro Harmonix en ont proposé quasiment une trentaine à eux seuls. Encouragées par son circuit simple à modifier, de nombreuses marques ont fabriqué des clones. Parmi les plus connus : la Ibanez OD-850 ou la Earthquaker Devices Hoof fuzz pour les anciennes.
Et les clones boutiques dans tout ça ?
Des marques boutiques comme ALH, des passionnées du son Gilmour, ont également proposé leurs versions de la Big Muff : la première appelée Battersea Distortion est un clone de la Big Muff Ram’s Head et le contrat est complètement rempli ! Si vous cherchez une Ram’s Head boutique, je vous encourage à vous tourner vers ce modèle. ALH propose également un autre clone de Big Muff : La Pulse Distortion qui cette fois est une réplique de la Civil War. Cette version conviendra plus aux fans du style Jack White. Ces deux alternatives aux Big Muff originales des copies fidèles en y ajoutant la technologie moderne qui les rend utilisables au quotidien (True Bypass, alimentation 9V, etc…).
D’autres manufactures se sont quant à elles lancées dans le multi-effet de Big Muff, c’est le cas de JHS avec la Muffuletta qui intègre un switch 6 positions permettant de de passer d’une version de Big Muff à une autre et c’est plutôt réussi même si, comme le dirait Julien Bitoun : "Qui trop embrasse, mal étreint". Cette pédale est quand même dans l’esprit Big Muff sans aucun doute et sera plus adaptée aux guitaristes qui cherchent plus de polyvalence ou ceux qui n’ont pas encore déterminé leur version de Big Muff préférée.
Passionné par les vieux transistors et la bière triple fermentation, c’est en réunissant ces deux ingrédients nécessaires que j’ai assemblé mon premier clone de Rangemaster. Quelques prototypes plus tard, me voilà apprenti ingénieur R&D chez Anasounds, le Saint Graal du stage pour un passionné de mon acabit. C’est donc en tant qu'amoureux de matos d’époque que j’écris des articles de blog sur Palf, avec l’envie de vous partager ce que j’ai pu apprendre.