La fuzz est le premier effet à être apparu en format pédale, ce qui a valu aux premiers modèles une conception des circuits assez sommaire, de part les technologies et composants utilisés à l'époque. Les premiers modèles (Fuzz Face, Tone Bender...) ont donc une conception particulière, très éloignée de ce que l'on peut trouver sur des fuzz plus récentes ou saturations en général. Cette conception amène son lot de problèmes, mais est également à l'origine du charme et de certains atouts de ces effets parfois capricieux et délicats à utiliser.
Les circuits des premières fuzz sont extrêmement simples, ne comptant le plus souvent qu'une dizaine de composants. Composants qui, à l'époque, n'étaient pas contraints aux mêmes exigences qu'aujourd'hui en terme de tolérance des valeurs et bruit de fond. On a tous déjà entendu parler des fameux transistors germaniums, aux caractéristiques variant en fonction de la température et humidité ambiante ! Mais sur des effets aussi simples que des fuzz, chaque petite variation sur un composant a des répercutions directes sur le son final de la pédale. Ce qui fait que deux pédales identiques pouvaient sonner différemment, rendant chaque modèle unique.
Aussi, les premières pédales ont été conçues à une époque où les pedalboards se limitaient à une fuzz, et parfois une wah, et où les buffers et systèmes sans fil n'existaient pas. On ne se souciait pas des problèmes d'impédance et de l'interaction de la pédale avec ce qu'il pouvait y avoir autour. Ce qui rend ces pédales difficiles à utiliser aujourd'hui, combiné à d'autres effets et du matos de plus en plus complexe.
Les 10 règles d'or de la fuzz vintage
1 - La fuzz en premier dans le chainage du pedalboard
La première règle, et sûrement la plus connue et importante, concerne les fuzz style Fuzz Face, Tone Bender... ou plus simplement, les pédales inspirées des premiers modèles de fuzz à avoir vu le jour. A l'époque, les fuzz étaient tout simplement conçues pour être connectées directement à la guitare par un jack, sans rien au milieu. Ce qui fait que l'électronique de la guitare pouvait interagir avec le circuit de la fuzz, au point de changer complètement le caractère de la fuzz en touchant aux réglages de la guitare. L'entrée de la fuzz était donc conçu pour matcher l'impédance élevée d'une guitare, comme si l'électronique de la guitare était une extension du circuit de la pédale.
Aujourd'hui, on se retrouve donc limité au niveau du chaînage des pédales, ne pouvant rien mettre avant la fuzz. Mais un des bénéfices de cette conception est que l'on a un contrôle ultra efficace du clean up et de la réponse de la fuzz avec les boutons de la guitare, et c'est encore plus flagrant avec des pédales comme la Fuzz Factory et ses oscillations, donc le pitch peut être contrôlé simplement en tournant le volume de la guitare si elle est branchée directement à la pédale.
On l'a vu au point précédent, sur les premières fuzz, l'électronique de la guitare agit comme une extension du circuit de la fuzz. Ce qui a pour conséquence que la guitare va jouer un rôle d'autant plus important dans le caractère de la pédale. Le type de micros, l'électronique, l'impédance de sortie... tous ces éléments caractérisant une guitare vont influencer le circuit de la fuzz. Sur une guitare, le potard de volume a deux effets : il permet de baisser l'amplitude du signal, mais il change aussi l'impédance de la guitare. Relié à une overdrive ou disto, généralement bufferisée, l'impédance ne va pas avoir d'impact sur la pédale, et le clean up à la guitare va simplement baisser le niveau d'entrée, comme le ferait le contrôle de gain de la pédale. Mais sur une fuzz vintage, le clean up à la guitare, en plus de baisser le niveau d'entrée, va changer l'impédance du circuit, ayant des répercussions sur le filtrage et le réglage des transistors. On obtient ainsi des cleans encore plus efficaces et surtout très chaleureux, la pédale devenant très réactive au jeu et à l'attaque, pour une grande expressivité. Et la pédale reine dans cette catégorie est sûrement la Fuzz Face !
Sur une saturation ordinaire, le gain correspond au niveau d'entrée du circuit, permettant de rentrer plus ou moins fort dans l'effet pour le faire saturer. Mais pour les plus geeks d'entre vous, qui ont déjà pu analyser le circuit d'une Fuzz Face, vous aurez remarqué que le contrôle de gain affecte directement le réglage des transistors, changeant leur gain, mais aussi au passage le bias et la réponse fréquentielle, ayant encore une fois une grosse influence sur le caractère de la fuzz. On a donc tendance à laisser le gain de la pédale au maximum, et utiliser le volume de la guitare comme réglage d'entrée, pour un vrai contrôle de gain. C'est pour cette raison que l'on retrouve parfois des fuzz dans un boitier sans réglages externes, pour inciter à contrôler le son depuis la guitare.
4 - Le silicium, mieux que le germanium ?
On entend souvent parler des transistors germanium et de leur instabilité. Et effectivement, ce type de transistor, utilisé sur les premières pédales car c'était la seule technologie de transistor à l'époque, souffre d'un défaut bien connu. Bien que procurant un son crémeux unique, les transistors germanium ont des propriétés électroniques qui sont extrêmement sensibles aux changements de température ambiante. On peut donc se retrouver avec une fuzz au bias complètement déréglé, voire qui ne fonctionne plus du tout si elle est exposée à des changements de température comme une scène en plein soleil. L'arrivée du silicium a révolutionné la conception des transistors, proposant une solution plus stable et fiable. Et de nombreuses marques et musiciens l'on très vite adopté, à l'image des Fuzz Face, et de Jimi Hendrix qui sont très vite passés à cette nouvelle technologie.
Et pour les puristes qui restent persuadés que le germanium ne sera jamais égalé, des marques comme Benson ont carrément développé des fuzz avec des résistances chauffantes intégrées, pour garder les transistors toujours à la même température !
5 - Les guitares vintage à faible niveau de sortie
Les fuzz étant l'effet de saturation avec le plus grand niveau de gain, le son peut très vite devenir brouillon si l'on rentre dedans avec un niveau élevé. Pour garder tout le contrôle du clean up, et obtenir une fuzz ultra dynamique et riche, le mieux reste d'utiliser une guitare au niveau de sortie modéré. La configuration Fuzz Face / Stratocaster a largement fait ses preuves chez de nombreux guitaristes célèbres. Des humbuckers ou P90 permettent une fuzz au spectre un peu plus large et au sustain plus long, mais pour garder un clean up efficace, le niveau de sortie de la guitare a son importance. Pour adapter le niveau de sortie et permettre un clean up toujours efficace, on peut parfois trouver un contrôle de niveau d'entrée sur les fuzz. L'une des premières fuzz à avoir introduit ce réglage est la Axis Fuzz fabriquée par Roger Mayer, une Fuzz Face modifiée spécialement pour l'utilisation de Jimi Hendrix.
6 - Le problème des médiums creusés
On arrive à un problème récurrent sur la plupart des fuzz, aussi bien sur les premiers modèles que sur les fuzz plus modernes comme les Big Muff ou Super Fuzz : les médiums creusés. Les premières fuzz sont connues pour leur son perçant pleins d'aigus, qui peut parfois agresser les oreilles. Les fuzz modernes, quant à elles, sont souvent chargées en basses, pour un son très gras caractéristique. Ce son très flatteur utilisé en solo, peut vite s'avérer problématique en groupe, où l'absence de médiums empêchera la fuzz de percer le mix. Même si certaines fuzz intègrent des contrôles de tone ou de médiums, la meilleure solution pour retrouver de la présence avec une fuzz est de l'utiliser suivie d'un drive léger. Un ampli au préamp bien poussé, ou un drive transparent style Klon après la fuzz, permettra de la rendre plus exploitable. Un boost peut être aussi utile pour pousser l'ampli encore plus loin, et aller dans ses moindres retranchements.
7 - Le chainage des pédales
Comme les fuzz vintages se placent en premier dans le chainage, on peut être confronté à différents problèmes dans l'ordre de chainage des effets, notamment pour les pédales que l'on place généralement avant les étages de gains comme les wah ou octavers. Une première solution est, encore une fois, d'utiliser un drive après la fuzz. En plaçant par exemple la wah entre la fuzz et le drive, la wah se retrouve lissée par le drive, évitant ainsi le son de wah trop criarde, aux différences de volumes inexploitables, caractéristique d'une wah placée après une saturation. Pour les autres effets posant problème, il existe une deuxième solution développée par certains fabricants de fuzz : le simulateur d'impédance intégré ! Certaines pédales comme la Tate FX Raise the Dead intègrent un petit transformateur à l'entrée de la fuzz, qui reproduit l'impédance de la guitare. On peut ainsi placer sa fuzz n'importe où dans le chainage ! Pour les fuzz n'intégrant pas de transformateur d'entrée, placer un boitier de reamping avant la fuzz peut avoir un effet similaire, les boitiers de reampings étant justement conçus dans le but d'avoir une impédance de sortie proche de celle d'une guitare.
Aujourd'hui, quasiment tous les fabricants d'effets se sont mis d'accord sur l'utilisation d'un connecteur d'alimentation unique, devenu une sorte de norme chez les constructeurs : le 9V DC centré négatif. Mais sur les modèles de fuzz d'époque, le connecteur d'alimentation est rarement présent, la pédale ne pouvant être alimentée que par pile. Pire encore, les premières fuzz au germanium utilisaient des transistors spéciaux dits PNP, qui ont la particularité de fonctionner avec une tension négative. L'alimentation se retrouve ainsi inversée dans le circuit, le 9V servant de masse, et la masse devenant une sorte de -9V. Ce qui a pour effet de relier le boitier de la pédale au 9V, et non à la masse comme sur toutes les pédales. La seule solution pour alimenter ces pédales est d'utiliser une alimentation spécifique dédiée à la pédale, ou une alimentation aux sorties complètement isolées par transformateurs, comme chez Cioks. Ou d'utiliser une pile comme à l'époque !
Tu as surement déjà entendu parler d'effet "pile morte" sur une fuzz. En effet, sur les anciennes fuzz fonctionnant à pile, quand la pile commençait à être usée, la tension d'alimentation de la fuzz chutait, provocant au passage le dérèglement du bias des transistors. L'effet produit est une sorte de fuzz grésillante, plus compressée et à la texture velcro, allant parfois jusqu'à un effet de gate violent, ne laissant plus du tout passer le signal sur les attaques trop légères. Aujourd'hui, de nombreuses pédales proposent cette option, avec un contrôle déréglant le bias, ou baissant la tension d'alimentation, pour une gated fuzz velcro. On retrouve même une fonction "dying battery" sur certains blocs d'alimentation, permettant d'abaisser la tension d'une sortie.
Une fuzz est toujours délicate à placer correctement dans un mix. Malgré l'utilisation d'un drive pour aider à lisser l'effet et lui rajouter des médiums, un bon équaliseur peut permettre de choisir précisément les fréquences à mettre en avant ou à retirer. Autre méthode, l'utilisation de drives en parallèle permet de combiner le son flatteur et massif d'une fuzz, à un overdrive plus subtil s'intégrant mieux au mix, comme la Royal Jelly de Beetronics qui permet de mixer OD et fuzz en parallèle !
La fuzz est sûrement l'effet le plus capricieux à utiliser, autant dans le chainage du pedalboard que lors de l'utilisation en groupe. Avec ces quelques astuces, on espère pouvoir t'aider dans la conception de ton board, afin de profiter pleinement de ta fuzz en toute circonstance. Le plus important reste de faire ses propres tests, certaines configurations un peu spéciales peuvent parfois fonctionner, tout dépend des caractéristiques de chaque effet. On t'invite à aller voir nos catégories de fuzz, il y en a pour tous les goûts, maintenant que tu est un expert sur l'utilisation de cet effet !
Guitariste et bassiste depuis un certain temps, j’ai développé une passion pour les pédales d’effets en m’intéressant à la sonorité et au matos de mes artistes préférés : Rage Against The Machine, Royal Blood, Jack White... Me permettant d’acquérir une grande culture des différents effets et modèles existants. Mais aussi de comprendre leur fonctionnement grâce à mon autre passion pour l’électronique. Avant de me lancer dans la fabrication de pédales, d’abord à titre personnel pour mes propres besoins, puis en devenant ingénieur R&D chez Anasounds. Ce qui m’a permis d’approfondir mes connaissances, tout en partageant ma passion à travers la rédaction d’articles.